Chapelle de l'Espoir
Eglise évangélique
[Chapelle de l’Espoir]


Verset du jour :


La différence entre le rêve et la réalité

Message donné le 10 août 2014 par Gilles Bourquin

Lecture : Mt 27 :17-19

Il semble que le couple de l’homme responsable de la décision politique de crucifier Jésus ne soit pas totalement dépourvu de moralité en voyant cette phrase de la femme de Pilate. C’est étonnant de la part de la femme du gouverneur romain par qui la mort de Jésus a été décidée.

Cette femme a eu un rêve. Il y a souvent une grande différence entre nos rêves et la réalité. Il y a une différence entre ce qu’on imagine, nos illusions, et ce qui est concrètement vrai. On a tendance à planer sur un petit nuage, on voit l’Église plus belle qu’elle est, etc. Parfois, on aimerait tellement que tout aille bien qu’on a de la peine à voir la réalité en face.

Le thème du message est la différence entre ce qu’on rêve, ce qu’on projette, ce qu’on espère, et ce qui est vrai. Il y a des exemples bien connus : la jeune fille de 15 ans qui rêve d’être une star. On rêve aussi tous d’être un « bon chrétien », mais si notre épouse nous dit qu’on est trop fatiguant, susceptible, trop centré sur nous-même, etc. : cela nous ramène à la réalité. Il y a le rêve de ce que l’on imagine devoir être et la réalité de ce que l’on est. Par bon sens ou humilité, il est mieux de redescendre sur terre.

Fuir la réalité ou ne pas regarder les choses en face est une tendance naturelle car cela diminue le stress. On préfère essayer d’oublier. Ne pas regarder les difficultés en face diminue le stress sur le moment mais ne résout rien, comme par exemple dans toutes les formes de dépendances. La difficulté est de parvenir à regarder les difficultés en face, à ne pas les fuir, pour peu à peu faire du chemin et les résoudre. Autrement, on s’expose à ce qu’elles ressortent toutes seules plus tard.

Si les illusions et les rêves ont des défauts, ils ont aussi des qualités. En voici trois :

L’imagination créative, par exemple faire des projets. Cela permet de dépasser la réalité et faire avancer. Si cela n’existe pas, il y a risque d’ennui. Le rêve est dangereux s’il nous fait fuir la réalité, mais nécessaire pour nous faire avancer. Même s’il ne peut pas être atteint, il permet de se lancer dans la vie, faire des projets. Mais il faut probablement ensuite ajuster le rêve à la réalité, il y a un équilibre à trouver.

Nous rêvons en moyenne tous une à deux heures par nuit. Le rêve durant la nuit sert au cerveau à repenser aux choses difficiles ou agréables vécues pendant la journée, il digère ce qui s’est passé pour mettre de l’ordre dans nos idées.

La troisième fonction du rêve est de donner une vision. C’est le cas du rêve inspiré de la femme de Pilate. Si l’on se souvient de ce dont on a rêvé, cela peut donner une compréhension de la réalité qu’on n’aurait pas eue sans le rêve, parce que le cerveau est libre lorsqu’on dort.

En résumé, il y a donc le niveau du rêve et de la réalité, les deux existent et il faut prendre attention aux deux : ne pas fuir la réalité et écouter les rêves.

Voici maintenant un exemple où l’Église primitive a été un peu trop rêveuse, au début du livre des Actes. Au tout début de l’Église, peut-être que les apôtres imaginaient que le St-Esprit serait suffisant pour qu’il n’y ait pas besoin de pasteurs, diacres et anciens car les chrétiens allaient être tellement saints que chacun serait conduit par lui-même par le Seigneur et qu’il n’y aurait pas besoin d’avoir des ministères. Et c’est effectivement ce qui se passe au début (Ac 4:32-35). C’est un passage qui depuis lors n’a plus jamais été appliqué. C’est comme si l’égoïsme avait disparu de l’Église. Mais immédiatement après ce texte, il y a l’histoire d’Ananias et Saphira. C’est le début du dysfonctionnement, avec des gens qui gardent une part d’égoïsme.

En prenant le chapitre 6, il y a le célèbre récit de l’institution des diacres (Ac 6 :1-6). Constatons ceci : les jalousies et inégalités dans l’Église ne concernent pas seulement le couple particulier d’Ananias et Saphira, mais c’est l’ensemble de la communauté qui commence à être divisé. Au chapitre 4, les croyants sont « un seul cœur et une seule âme ». Au chapitre 5, il y a une crise avec un couple qui ne veut pas partager tout son argent. Au chapitre 6, c’est toute la communauté qui est divisée car les chrétiens grecs ou issus d’hébreux sont en conflit. On est passé du rêve à la réalité. Le rêve est qu’on soit parfaitement sanctifiés, et la réalité est que lorsqu’on doit vraiment partager des richesses terrestres, on retrouve la réalité humaine dans l’église : jalousies, disputes, etc. Les apôtres ne trouvent qu’une seule solution : il faut nommer des responsables. Après avoir mis des règles, cela ne suffit généralement pas et il faut nommer des responsables qui vont vérifier la chose. On voit une règle de l’Église : pour passer du rêve « on est tous sanctifiés, unis, d’un seul cœur » à la réalité où l’égoïsme naturel et la difficulté de répartir l’argent est une réalité, on nomme des responsables. Les apôtres n’ont pas choisi eux-mêmes tout seuls les diacres, ils ont demandé à l’assemblée d’élire des responsables. C’est un principe repris à la réforme : l’assemblé a un certain pouvoir de nommer des responsables. Ce n’est pas une communauté idéale.

Voici un deuxième exemple biblique : la vie de l’apôtre Paul. Qu’est-ce que la vie chrétienne personnelle, est-on dans le rêve ou la réalité ? Notre vision de la vie chrétienne ne doit être ni trop pessimiste ni trop optimiste. Si l’on est trop pessimiste et que l’on se laisse envahir par la dépression, il faut trouver du rêve, augmenter l’espérance, faire des projets. L’autre extrême est être trop optimiste, par exemple penser que par la prière on va guérir toutes les maladies. On ne peut pas par la prière évacuer toutes les souffrances de la vie humaine. Parfois même la prière ne fonctionne pas : parfois Dieu ne guérit pas. Paul lui-même a connu cette situation et a dû jongler entre le trop pessimiste et le trop optimiste. Entre les deux, il y a la réalité. Elle est un peu au-dessus de celui qui est toujours pessimiste et un peu en-dessous de celui qui est toujours optimiste.

2Cor 12:2 et 6-10. On a les deux niveaux du rêve et de la réalité. D’une part, Paul a eu de grandes visions merveilleuses. D’autre part, il a prié pour être guéri et n’a pas été exaucé. Il y a ces deux niveaux dans la vie chrétienne : le rêve, la vision, l’espérance ; mais en même temps la confrontation à la réalité et l’acceptation que l’on ne vit pas dans un monde parfait. Nous devons supporter ces tensions. Les souffrances sont mises en miroir avec l’espérance qui donne la force de les supporter. Mais on ne peut pas tirer de ce texte que si l’on est malade c’est qu’on est plus orgueilleux que les autres et qu’il faut que nous ayons une écharde dans la chair, ou des réflexions semblables. Ce qu’il faut tirer de ce texte, c’est qu’il y a dans la vie chrétienne ces deux dimensions : d’une part l’épreuve permanente de la vie, la persévérance nécessaire, et d’autre part la lumière qui nous donne l’espérance et la force de poursuivre avec une joie au fond du cœur, malgré les poids de la réalité. Au fond de nous reste en même temps que ces sentiments-là une joie profonde qui est celle de l’espérance de la foi.


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